La génétique des robes équines pour les nuls : partie 3.

Il y a un moment maintenant, j'avais commencé à vous parler génétique et à vous expliquer le fonctionnement des robes de base (le plus simple quoi) puis j'avais laissé le sujet en suspend. Et pour cause, une fois ces bases passées, ça se complique drôlement... Notamment lorsque je me suis penchée sur le cas des robes blanche et grise pour lesquelles il a été assez difficile de démêler le faux du vrai et de comprendre toutes les nuances. Mais telle une investigatrice de l’extrême, j'ai été me plonger dans les méandres de la génétique pour vous livrer ce résumé clair (non) et concis (non plus).



La robe grise et le gène Gray


Nous avons vu précédemment qu'il n'existe que 3 robes de base qui servent de toile de fond : l'alezan, le bai et le noir. Le gène Gray (noté G) qui donne la robe grise est donc un gène particulier qui vient s'appliquer par-dessus une de ces robes, ce n'est pas une robe à part entière. C'est pourquoi les poulains gris naissent quasiment tout le temps d'une autre couleur et que les fameuses lunettes apparaissent progressivement jusqu'à ce tout le corps devienne gris puis s'éclaircisse avec le temps (ce qui se produit plus ou moins rapidement selon les individus). Durant tout cette période de transition, le gris peut donc passer par du rouanné (restant de la robe de base), du pommelé, du truité selon l'action d'autres gènes.

Le gris chez le cheval n'est pas une vraie robe.
Bai ? Eh non ! Ses lunettes trahissent ce futur gris !
Crédit : 1cheval.com


Pour schématiser de façon simple, ce gène fonctionne comme les cheveux blancs chez l'être humain : le gris recouvre progressivement la vraie couleur et évolue vers le blanc en prenant de l'âge. Mais si chez l'être humain cela est dû à l'arrêt de production de pigments (la mélamine), ce n'est pas le cas chez les chevaux gris, au contraire : le gène Gray bloque simplement l'apparition des pigments de coloration mais ceux-ci sont bien produits et s'accumulent dans l'organisme, ce qui provoque parfois l'apparition d'un mélanome, une tumeur cancéreuse. Mais heureusement, cette évolution n'est pas systématique.

Autre particularité de cette robe : le gène Gray est dominant ! Il suffit qu'un cheval possède un seul exemplaire du gène Gray sous forme dominante pour qu'il soit gris, peut importe ses autres allèles. De même, un cheval gris homozygote produira TOUJOURS du gris et un cheval hétérozygote sur le gène Gray aura 50% de chances de produire également du gris (important à savoir si l'on veut faire reproduire et avoir une chance d'avoir une autre robe). Donc de façon logique, pour qu'un cheval soit gris, il faut obligatoirement qu'un de ses parents le soit.

La robe grise peut donc connaitre de nombreuses variations au cours de la vie du cheval qui la porte mais finira toujours pas un blanc immaculé... même si la robe ne peut pas être appelée "blanche" pour autant. Alors comment distinguer un vrai blanc d'un gris ? Il faut avoir connu le cheval dans sa jeunesse car un blanc l'est dès sa naissance, contrairement au gris. Autrement, la couleur de la peau peut être un indicateur : un gris aura systématiquement la peau grise tandis qu'un blanc aura la peau rose. Sinon, le test en laboratoire reste le plus simple car la robe blanche est un cas assez difficile à cerner...

Un seul gène gris peut donner une multitude de robes !
Un gène, de nombreuses variations de robe ! - Crédit : Google Images



Le cas de la robe blanche


On aimerait bien se dire que pour la robe blanche il existe un gène White et puis basta. C'est d'ailleurs ce que l'on croit encore souvent en France mais c'est faux. Cela a été prouvé par les américains qui, avec leurs chevaux plus colorés que les nôtres, ont davantage creusé la question.

Le blanc est enfaite une mutation du gène KIT, responsable entre autres des robes tobiano, sabino et rouan. On compte pas moins de 20 mutations de ce gène répertoriées à ce jour et plusieurs d'entre elles peuvent donner un cheval d'apparence blanche : notamment le gène Sabino (noté Sb1) en "version maximale" (le blanc prend toute la place) ou une mutation tout juste découverte et plus rare qu'on appelle "Dominant White" (noté DW, qui fait apparaître des plaques blanches et donc cache partiellement ou totalement la couleur) et qui est létal sous forme homozygote (mais un hétérozygote sur le DW peut donc naître blanc et en parfaite santé). Donc le blanc est en réalité... une forme de pie où les taches ne se voient pas !

Gène Dominant White chez le cheval.
Yukichan, jument PS Dominant White - Crédit : netkeiba.com


Ces mutations du gène KIT se retrouvent chez plusieurs races, peuvent se transmettre... mais aussi apparaître spontanément (quand je vous dis que le cas de la robe blanche est un vrai casse-tête) ! Lorsque l'on est éleveur et que l'on veut obtenir cette belle robe d'ivoire, il faut aussi savoir qu'elle a un prix... En effet, il faut être extrêmement attentif au génotype des parents sous peine de perdre le poulain. Car comme on l'a dit, un poulain Dominant White homozygote ne serait pas viable et il existe aussi le cas de l'Overo Lethal White Syndrom ou Syndrome du Poulain Blanc. Ce "syndrome" est le résultat du croisement de deux chevaux Frame Overo. Il faut savoir que le gène qui intervient dans la robe overo ne sert pas uniquement à déterminer la couleur du poil mais aussi à la mise en place des organes. Et lorsqu'il est présent sous forme dominante (donc poulain homozygote Frame Overo), il créer une malformation de l'intestin. Le poulain naît tout blanc, parait normal les premières heures puis présente rapidement des signes de colique qui ne peut être soulagée, car son intestin n'est pas fini et les crottins ne peuvent donc s'évacuer. Un poulain homozygote sur l'overo est donc fatalement condamné. Il faut donc bien faire tester ses chevaux et réfléchir ses croisements pour obtenir du blanc sans risque !

Si l'on aime la robe blanche mais que l'on se moque de la génétique, on peut également se contenter d'acheter un cheval "d'apparence" blanche : un gris qui a éclaircit, un cremello ou perlino très très clair...

La robe blanche est en réalité assez rare.
Eh non ! Ce cheval n'est pas blanc... enfin pas vraiment ;)




Le dernier mot Jean-Pierre...


On retient : beaucoup de robes ont l'air blanches mais ne le sont pas. A commencer par le gris causé par le gène Gray qui agit comme un masque qui vient progressivement teinter la robe de base du cheval. On reconnait le vrai blanc (qui est en réalité plutôt rare) du gris grâce à la peau rose mais quant à savoir quel gène ou mutation exacte donne cette robe immaculée, c'est une autre paire de manche ! Mais pour impressionner ses potes cavaliers avec son savoir, on garde en tête que la robe blanche est une mutation d'une robe pie et que pour l'obtenir, on prend garde à ne pas croiser deux chevaux déjà blancs sans connaitre leur génotype !


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1 Cavaliers ont dit

  1. Coucou ! C'est encore moi !
    un immense merci pour tes articles. Ils sont super bien faits.
    Donc si j'ai bien compris ma jument qui est majoritairement blanche (peau rose) avec une tache délavée sur la tête qui passe du noir au brun selon la saison serait donc (en théorie bien-sûr) quelque chose comme : EEAA et présente une forme de la mutation du gène KIT. Dans tous les cas, c'est passionnant ! Encore merci.

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