Quand on n'est pas encore propriétaire, on a plein de grands principes et des idées bien arrêtées sur comment on procédera quand on aura son propre cheval. Puis on passe de l'autre côté de la barrière, on n'abandonne pas ses idéaux mais il se confrontent violemment avec une chose qui s'appelle LA RÉALITÉ. Et là, c'est le drame.
La vie que l'on voudrait offrir VS celle que l'on peut avoir
J'avais dit que mon cheval vivrait pieds nus, au pré en troupeau, mangerait principalement des fibres avec un complément sain et adapté, que je viendrais autant que possible et prendrais toujours mon temps, que si j'ai un jeune je ne le ferais pas travailler trop tôt/trop vite pour respecter sa croissance, que je serais toujours présente dans les moments importants et serais une propriétaire impliquée qui gère elle-même tout ce qui concerne son cheval... En gros, je me brossais le portrait de la propriétaire parfaite dont le cheval vivrait une vie au plus proche du naturel, encouragée par les nouvelles tendances allant dans ce sens... mais qui sont malheureusement vite culpabilisantes car parfois difficilement réalisables.
Culpabilité, c'est le terme car coupable, je me le sens parfois. Car en réalité, je vis en banlieue parisienne donc les bonnes et vraies pensions pré en troupeau ne courent pas les rues. Car en réalité, j'aime mon cheval mais aussi l'équitation, je dois donc jongler avec mes ambitions cavalières et le respect de son bien-être (donc non, je n'ai pas tellement envie d'aller dans cette superbe pension pré intégral... mais sans installations ni encadrement). Car en réalité, je n'ai pas l'argent pour le moment pour lui changer son alimentation car celle de la pension ne me convient pas point de vue composition, mais je dois faire avec. Car en réalité, je ne peux pas poser des congés pour être présente à chaque rendez-vous avec un praticien alors je délègue. Car en réalité, il m'arrive parfois de ne pas avoir envie d'aller à l'écurie car je suis fatiguée et je préférerais rester dans mon canapé.
Bref, je me sens parfois coupable car je ne peux pas tout faire comme je le voudrais à cause de contraintes géographiques, de temps, d'argent. Alors que faire ? Déménager pour mon cheval ? Lui consacrer le moindre de mes centimes ? Sacrifier mes ambitions, envies, habitudes, pour être au plus proche de ses besoins naturels et de ce que les nouvelles tendances "au naturel" décrivent comme LE mode de vie idéal ? Le vendre si je ne suis pas capable de tout pour lui ? Certains diront oui, d'autres non et en réalité, je me suis aperçue qu'il n'y a pas de réponse universelle. Chacun place le curseur des besoins du cheval à impérativement respecter à un niveau différent. Par exemple, pour rester dans l'écurie où je suis, j'ai fait le compromis de ne pas avoir accès aux pâturages l'hiver pour préserver les terrains, mon cheval devant alors se contenter d'1 à 3 heures de liberté quotidienne en manège avec ses copains à la place. Une pilule dure à avaler pour moi et le sentiment un peu honteux de faire passer mes envies avant son bien-être. Mais au final, est-t-il vraiment malheureux de cette privation pendant quelques mois ? Et cette situation qui me fait bondir moi, n'est-elle pas le quotidien, la normalité pour bien d'autres ?
Easy qui ne savoure pas du tout ses sorties hivernales en manège. |
La balance entre bien-être du cheval et plaisir personnel
Être propriétaire d'un cheval est pour moi une forme de pression car je me sens (et je suis réellement) responsable de son bien-être et de son bonheur. Je ne veux pas qu'il soit juste "pas malheureux" (un terme qu'on entend souvent pour justifier des situations limites "quoi mon cheval vit au box H24 et goûte un brin d'herbe tous les 36 du mois ? Ouais mais il a pas l'air malheureux"). Mais je ne peux pas non plus lui offrir tout ce dont je rêvais car je n'en ai pas les moyens ou la volonté. Car oui, égoïstement il faut le reconnaître, j'ai aussi envie de me faire plaisir dans toute cette histoire. Je n'ai pas acheté un cheval pour le subir donc il y a bien une question de choix fait en fonction de moi. Ce n'est pas que je l'aime moins, c'est que je m'aime aussi. C'est important je pense de le reconnaître et d'être clair sur ses propres limites, ne serait-ce que pour savoir jusqu'où on est prêt à les repousser en cas de besoin et faire des choix intelligents (mettre son cheval au pré au fond du Cantal pour son bien-être... et ne plus aller le voir car c'est trop une corvée de marcher des heures dans la pampa pour le retrouver. Une pension pré/box moins spacieuse aurait été un meilleur choix pour tout le monde).
Mais ce que je retiens de mes questionnements, c'est que je n'ai pas l'impression d'être une mauvaise propriétaire car je suis à l'écoute de mon cheval et je fais de mon mieux avec ce que j'ai, c'est-à-dire mes contraintes perso, et en m'adaptant pour les contrebalancer. Il est au box en hiver, soit, mais je suis prête à passer 1 heure sous la pluie à le faire brouter et il est sorti tous les jours avec des copains. Je le travaille déjà car je n'ai pas la patience d'attendre ses 8 ans fin de croissance, certes, mais j'adapte ce que je fait à son physique et son mental (4 ans le mois prochain, bientôt 4 mois sans être monté car on s'éclate en travail à pied !). Tout est une question de compromis !
Attention cependant, le fait de faire de son mieux n'excuse pas tout, le minimum syndical reste quand même de respecter les besoins fondamentaux des chevaux (manger de l'herbe/fibres autant que possible, avoir contacts sociaux avec des congénères quotidiennement, avoir un maximum de liberté de mouvement, être stimulé intellectuellement). Mais je pose un regard plus indulgent sur les propriétaires de tous horizons qui m'entourent car je m'aperçois que chacun fait selon ses possibilités, que chaque situation est unique et chaque cheval l'est aussi (donc oui, je suis toujours 100% contre le box intégral, mais oui, certains chevaux vivent le box mieux que d'autres, surtout s'il y a des compensations). Il n'y a pas de schéma idéal, tout est question de nuance, chacun faisant sa propre balance.
Cheval perdant la tête suite à l'enfermement au box. Ou juste baillant, content de retrouver son chez soi après une longue balade. |
Le dernier mot Jean-Pierre...
Il n'y a pas vraiment de conclusion à cet article un peu brouillon, juste un partage de ressenti après m'être parfois regardée de travers dans le miroir. Peut-être que certains jugeront que je cherche à me trouver des excuses, peut-être que certains penseront que j'en fait déjà bien assez et que je me torture l'esprit pour rien. Chacun sa conception de l'équitation et des droits et devoir liés à la propriété d'un cheval.
Simplement, j'ai l'impression, après m'être posée la question "suis-je une bonne propriétaire" car la réalité ne correspondait pas à mes attentes, que j'ai enfin trouvé ma balance et que je n'ai plus à culpabiliser de mes choix. Personne n'a été là pour me mettre la pression mais il n'y a pire juge que soi-même. Oui, j'ai accepté que je fais certains choix égoïstes. Oui, j'ai accepté que la vie ne permet pas toujours de faire comme on a envie. Mais je fais de mon mieux en respectant mon cheval. Et je pense que c'est ce que devrait garder garder à l'esprit chaque propriétaire : il n'y a pas de règle ou de façon précise de faire, l'important est de faire son maximum pour le bien-être de son couple cheval-cavalier.
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