Quel plaisir de lire les propos tenus dans le génial "Communiquer avec son cheval" de Véronique de St Vaulry à propos de la compatibilité entre le bien-être du cheval et une vie en box. Une véritable prise de conscience des effets néfastes du box semble avoir lieu, avec pour conséquence l’émergence en France d'un concept américain révolutionnaire ; le paddock paradise.
La remise en cause des box comme dénaturalisation des équidés
Cette invention date de 2006 mais commence seulement à se pratiquer timidement chez nous. Pourquoi ? Car il n'est pas facile de remettre en cause un système utilisé depuis des siècles et tellement pratique. Le box, c'est le cheval à portée de main, sous surveillance, sans se salir ou se fatiguer. C'est aussi un gain de place et de temps dans l'entretien des chevaux et, comme on le sait, le temps c'est de l'argent. Il y a donc énormément de facteurs expliquant qu'encore aujourd'hui, nombre d'écuries préfèrent/ne peuvent faire autrement que de garder leur cavalerie entre 4 murs.
Pour autant, s'il y a bien une chose que nous, cavaliers, ne devrions jamais oublier avant de prendre une décision concernant le milieu de vie de notre compagnon, c'est bien que le cheval est un animal herbivore, grégaire et qui a besoin de se déplacer tout au long de la journée. A l'état naturel, nos équidés marchent en moyenne 17 km par jour, broutent 12 heures et se rassurent et évoluent grâce au contact physique avec leurs congénères. Dans nos prés plats et carrés, ils piétinent seulement 1 petit kilomètre par jour, mais ont au moins le loisir de se remplir l'estomac en continu (chose qui leur est nécessaire physiquement, rappelons-le) et de pouvoir se faire des mamours entre copains. Mais alors que dire de ceux en box ? Qui n'ont le droit bien souvent qu'à 1 heure de vraie marche par jour, qui voient plus souvent la couleur de la paille que celle de l'herbe et pour qui les rapports sociaux se réduisent au contact visuel ? Avec la vie en box, on a bien une dénaturalisation de la nature profonde de l'animal, et par là, une forme de souffrance. N'ayons pas peur des mots.
Quand le pré se transforme en coin de paradis
Une fois arrivé à ce stade de la réflexion, on parle tous la même langue et on peut continuer. Donc le pré, c'est bien. Mais ça reste quand même le minimum syndical : un carré d'herbe. Et je peux vous dire que si Spirit avait un syndicat, ça irait mal, même pour les proprio qui sont en mesure d'offrir ça à leurs chevaux. Car cela répond bien aux besoins essentiels d'un équidé (ce qui est déjà super !), mais on ne peut pas dire que la vie y soit palpitante. Dans la nature, les chevaux traversent des paysages variés et pleins de surprises, ont affaire à tous types de sols, trouvent une nourriture variée au gré de leurs divagations, choisissent leur habitat en fonction de leurs besoins... Et c'est à partir de ces observations, menées sur des troupeaux de mustangs sauvages, que l'américain Jaime Jackson (pareur naturel de son état, les chiens ne font pas des chats !) a eu l'idée de ces paddocks améliorés et intelligents, les paddock paradise.
Le principe est de diviser le paddock en de nombreux espaces aux fonctions différentes et comportant des éléments naturels variés : un espace ombragé grâce à des arbres pour les jours de chaleur, un point d'eau dégagé, une zone comportant des abris sur un sol en sable, une autre consacrée au broutage avec une bonne herbe, un tronc d'arbre renversé à sauter , un couloir en gravier faisant le tour du paddock etc etc. Le but est d'amener le cheval à se déplacer le plus possible pour accéder à chaque espace correspondant à un de ses besoins, tout en lui proposant un environnement enrichissant et interactif !
Plus qu'une lubie, un réel intérêt physique et mental
Le paddock paradise, en plus des avantages de la vie en troupeau dans un pré classique, permet donc :
- D'éviter l'ennui grâce à un paysage varié et de nombreux déplacements,
- D'entretenir la musculature du cheval et limiter sa prise de poids grâce à ces allées-venues obligatoires pour aller d'un espace à un autre,
- De fortifier les sabots et stimuler leur croissance grâce à la marche régulière sur différents types de sols,
- De limiter le risque de fourbure si l'on fonctionne avec une rotation de deux espaces pour brouter (chaque espace pouvant être ouvert ou fermé à volonté).
En somme, un vrai paradis équestre qui reconstitue les conditions naturelles de vie du cheval, et à la portée de tous ! Chacun peut créer son propre modèle de paddock paradise en divisant son pré selon l'espace disponible, 1 hectare (s'il n'est pas surpeuplé) étant suffisant pour faire quelque chose de sympa. Rajouter quelques buissons, un tronc d'arbre, une petite zone de sable et de graviers pour rendre l'environnement stimulant, créer simplement un couloir tournicotant pour séparer l'abreuvoir des abris, tout n'est plus qu'affaire d'imagination !
Le dernier mot Jean-Pierre...
Personnellement, je suis totalement séduite par l'idée, c'est un concept qui gagne à être connu pour ses bienfaits sur la santé mentale comme physique des chevaux. Je vous invite également à lire l'article de ChevalMag "Comportement : les 23 autres heures...". Placés face aux dernières connaissances en matière de bien-être, nos systèmes d'hébergement semblent très "vieille école". Sommes-nous prêts à révolutionner l'habitat équin ? Selon les éthologistes, "le temps est venu". Si chacun réclamait un système d’hébergement nouveau, non plus adapté au cavalier mais au bel et bien au cheval, peut être le monde équestre entamerait-il un tournant en accord avec la volonté actuelle d'évoluer vers une équitation plus respectueuse de l'animal. Et peut-être serions nous plus nombreux à pouvoir offrir à Pompom la vie dont nous rêvons pour lui.
- "Paddock Paradise. Une approche naturelle pour la pension des chevaux", Jaime Jackson
- Explications, conseils et exemples de personnes ayant expérimenté les Paddock Paradise