Easy Story : l'affaire du nose band (avril 2019 - mai 2020)

Oui, je sais. Je suis très en retard sur les Easy Stories mais je suis justement entrain de préparer les articles pour nous ramener à l'époque présente (car on s'était quittés en mars 2018, ahem). En attendant, j'avais très envie de vous parler d'un évènement précis dans notre parcours : le recours au nose band. Car c'est un outil qui fait polémique, car je l'ai beaucoup décrié aussi, car ça peut sembler contraire à ma recherche de respect, de douceur et de communication dans mon équitation et que pour toutes ces raisons, il me semble d'autant plus intéressant de partager mon expérience. Encore plus dans ce contexte de montée en puissance du bien-être équin (#jaimetendrelebatonpourmefairebattre).



Un rapport au mors très difficile


Pour replanter le décor, je rappelle qu'Easy est un trotteur français réformé des courses qui non seulement a fait l'entrainement, mais aussi a été utilisé à l'AFASEC (l'école de formation des jockeys) pour apprendre aux apprentis à monter. Donc dès 3 ans, à peine débourré, il était monté par de jeunes jockeys avec une main qu'on peut imaginer pas toujours juste ni stable. Cela couplé à l'utilisation des mors de course qui peuvent être assez durs et au fait qu'on laisse les chevaux s'appuyer sur la main pour trouver leur équilibre à grande vitesse : on partait avec un début de relation au mors et à la main pas très reluisant !

Tout de suite après l'achat d'Easy en octobre 2017, j'ai programmé un rendez-vous avec le dentiste pour faire un check up et car j'avais déjà remarqué lors de son essai et de mes premières montes à la maison qu'il était très lourd sur la main et avait une bouche à la fois dure et sensible. Bonne surprise : sa bouche est saine. Mauvaise surprise : le dentiste trouve une petite dent de loup mais n'est pas sûre qu'elle gênera et comme je prévois de passer mes premiers mois à pied, on décide de ne pas y toucher pour le moment.

Après une période de repos, je décide de faire un re-débourrage qui me donne l'occasion de vérifier que filet (avec muserolle française) comme mors (double brisure à gros canons tout simple, sélectionné après plusieurs essais de mors) sont bien acceptés. Easy ne semble pas gêné, il prend son mors facilement et je fais en sorte de l'associer à des choses positives : mettre le mors pour aller en balade à pied, mettre le mors pour aller brouter, mettre le mors et avoir un bonbon... Tout semble aller comme sur des roulettes jusqu'au retour en selle en avril 2018 : je découvre un cheval qui ouvre GRAND la bouche, même sans contact sur les rênes, pour échapper à toute communication. Il secoue la tête à la moindre action de main, se montre extrêmement sensible aux demandes (réactives très vives et disproportionnées) mais en même temps, n'hésites pas à peser sur la main et à tracter. Il est très compliqué évidemment de travailler dans ces conditions (en plus de sa raideur, de sa méconnaissance des aides et de tout le reste !), sa bouche n'est vraiment pas bonne et je ne sais déterminer si c'est la dent de loup ou son passé qui est en cause. On poursuit le travail quelques temps avec une timide amélioration du contact, mais c'est lent, trop lent : je rappelle le dentiste. Au final ce n'est pas une mais deux dents de loup, dont une cassée, qui seront extraites ! Comme quoi, il faut toujours explorer finement la piste "médicale" avant toute chose : le pauvre devait être vraiment gêné... Par sécurité, je laisse donc largement passer la période de cicatrisation recommandée et en profite pour faire venir l'ostéopathe qui ne trouve rien "d'inhabituel pour un cheval de cet âge sorti des courses".

Nous revoilà repartis plus confiants et effectivement, avec la poursuite du travail, je constate de vrais progrès ! On trouve de la stabilité dans le contact au pas mais Easy continue de se braquer facilement bouche ouverte et langue dehors pour échapper à la main aux allures supérieures ou quand un exercice lui semble trop contraignant (sachant que nous ne demandions à cette époque rien de plus que de l'incurvation et des transitions, choses physiquement possibles pour lui). Et moi qui manque déjà de tact et de fixité dans mes mains ; mes défauts sont accentués par ses défenses, ce qui l'amène à tenter de s'échapper encore plus fort, ce qui me déstabilise encore plus et ainsi de suite dans un terrible cercle vicieux... Ajoutons à cela que les défenses d'Easy m'amènent parfois à une perte de contrôle un peu périlleuse quand on travaille le galop, qui est déjà un exercice très compliqué en soi pour mon petit réformé et moi qui ai encore tant à apprendre. Bref, au bout d'1 an de travail monté, il faut se rendre à l'évidence que nous commençons à stagner à cause de cette mauvaise relation au mors et de mes soucis de main. J'ai tenté la carte des soins, du travail et de la patience, mais cela ne semble pas suffisant. La mort dans l'âme, je fini par accepter de tester une solution proposée à plusieurs reprises par Coach : essayer un nose band. 

Cheval qui se défend contre le mors et refuse le contact.
De l'ouverture de la bouche malgré un contact léger à la défense franche car j'ose y toucher...




Comment le nose band a rétabli la communication


On ne va pas se mentir : j'ai vécu le recours au nose band comme un échec. Moi qui voulait prôner la douceur et la communication avec mon cheval, je me retrouvais à utiliser un outil coercitif et cache misère. J'avais l'impression d'avoir échoué dans mon travail, de trahir mes principes et de "forcer la main" à Easy. J'avais honte aussi, car c'est un outil très décrié et j'avais peur de ce qu'on pourrait penser de moi, notamment sur les réseaux sociaux où les jugements sont promptes et où les gens se construisent une image de vous parfois "idéalisée". J'allais retomber bas dans leur estime, comme j'étais retombée dans la mienne. 
Mais j'ai confiance en Coach et, bien que je sois très têtue et que j'ai parfois besoin de réfléchir longtemps aux solutions qu'elle me propose, s'il y a bien quelqu'un à qui je suis prête à laisser le bénéfice du doute en matière d'équitation, c'est elle ! On pourrait également penser que j'aurai pu persévérer plus longtemps en espérant qu'Easy ait un déclic, mais j'estime qu'1 an d'attente est une durée honorable pour tester une méthode et je reconnais sans honte avoir envie de progresser avant les 10 ans de mon cheval.

En avril 2019, me voilà donc pas très à l'aise dans mes baskets en train d'ajouter un nose band à ma muserolle. Ce n'est pas un miracle mais en quelques séances, les premiers résultats sont là : le cercle vicieux est devenu un cercle vertueux ! Easy ne peux plus ouvrir grand la bouche et sortir la langue pour échapper à mes actions de mains, il se défend alors beaucoup moins (même si ça n'empêche pas dans un premier temps qu'il soit toujours tendu des naseaux à la queue, le nose band ne réglant que le problème de surface), ce qui me permet de mieux gérer mes mains et d'avoir plus de stabilité, de précision et de douceur dans mes actions, ce qui l'incite à se poser et à écouter et ainsi de suite, nous apportant au final du confort à tous les deux ! Le nose band lui apprend aussi indirectement qu'il est plus "confortable" de céder aux demandes que d'y résister. Cela l'oblige également à m'écouter et à rétablir la communication, en attendant qu'il ai envie de prendre part à la conversation.

Malgré tout, je ne renonce pas en parallèle à trouver d'autres solutions ! C'est ainsi que je fais venir une bit fitteuse qui, malgré une consultation catastrophique qui devra se faire en 2 fois car Easy ne supporte pas qu'on lui manipule trop longuement la tête, va nous trouver un mors qui nous convient bien mieux (spoiler : le Neue Schule Team Up double brisure, anneaux coulissants et alliage décontractant) ! Je tente aussi à pied de travailler les cessions à la mâchoire/nuque pour être sûre qu'il ai bien compris l'utilisation du mors, comment il est censé y réagir et pas simplement comment le supporter (la nuance est importante !). Enfin, je fais un véritable retour en arrière sur l'acceptation de l'équipement (synonyme pour Easy de travail monté) car j'ai remarqué qu'il est tout de suite moins décontracté quand il est harnaché : je me remets à le longer avec le filet sous le licol et même à travailler à pied et en liberté en ajoutant la selle, pour lui montrer encore et toujours qu'on peut faire des choses amusantes et en restant décontracté avec le mors !

Nous faisons d'énormes progrès au travail, si marqués que je tente une première fois au bout d'environ 6 mois d'enlever le nose band : c'est mieux, beaucoup mieux qu'avant mais Easy est immédiatement plus lourd sur la main et dès que quelque chose ne lui convient pas, il coupe court à tout discussion main/bouche en retrouvant ses vieilles défenses. Je remets le nose band et nous continuons à travailler. Je change également d'ostéopathe pendant cette période et celui-ci trouve des blocages dans la mâchoire d'Easy et l'oreille droite complètement verrouillée, choses que le précédent n'avait jamais relevé en plusieurs visites ! Il constate que la manipulation de la tête est délicate (ce que j'avais déjà noté) et me fait part de ses sentiments : le rapport difficile avec le mors d'Easy provient certainement de mauvais souvenirs (mors durs dans les courses, mauvaises mains qui les utilisent, douleurs des dents de loup) mais aussi de nombreux blocages profonds sur la tête qui nécessiteront un travail de fond sur le long terme pour s'en débarrasser complètement. Mais nous avançons dans le bon sens : à chaque visite, l'ostéo arrive à aller plus loin dans ses manipulations, Easy les accepte mieux et les blocages sont moins nombreux !

Effet du nose band sur un cheval qui ne supporte pas le mors.
Les défenses ne disparaissent pas miraculeusement mais pouvoir les limiter me permettent de me poser... et lui aussi.


Enfin, après 1 an d'utilisation du nose band, je le retire en mai 2020 et cette fois-ci, cela semble être la bonne ! Easy a une bouche bavarde : il mâchonne son mors, claque des lèvres, ouvre parfois franchement la bouche pour dire quand il n'est pas d'accord ou quand j'agis mal (et il a raison !) mais tout a changé car désormais, il ne fait que s'exprimer au lieu de tout refuser en bloc ! Il est à mon écoute et moi à la sienne, nous avons un vrai échange entre mes mains et sa bouche. J'avais l'impression auparavant d'être face à quelqu'un qui hurle et ne pouvait donc pas m'entendre : le nose band m'a permis de le faire taire le temps de lui expliquer ce que je souhaite et de le raisonner. Désormais, nous parlons en selle, constamment. Ce n'est pas parfait bien évidemment, mais j'ai progressé dans l'utilisation de mes mains et lui a évolué dans sa façon de communiquer qui ne se résume plus à dire non par principe. Aussi étrange que cela puisse paraitre, c'est bien en fermant la bouche de mon cheval que j'ai pu lui redonner la parole.



Le dernier mot Jean-Pierre...


Ce parcours atypique, qui ne correspond qu'à notre expérience et ne serait pas valable pour n'importe quel couple cavalier/cheval, m'a amenée à reconsidérer le nose band. Je ne l'idéalise pas : les résultats d'aujourd'hui ne sont pas que de son seul fait mais une association avec les soins réalisés, le matériel adapté, la progression de ma monte, les exercices à pied et l'effet du temps. C'est un outil dont l'utilisation doit rester temporaire et qui ne règle que les problèmes de surface. Mais je ne diabolise plus non plus le nose band. Il reste une aide dont l'effet dépend des mains qui l'utilisent et de l'intention derrière.

Je ne culpabilise plus non plus de l'avoir utilisé car il nous a beaucoup apporté, autant à moi qu'à Easy. Je me suis rendue compte qu'il y a malheureusement un écart entre ce qu'on voudrait faire et ce que l'on peut faire réellement. Je n'avais tout simplement pas le niveau pour m'en sortir sans une aide artificielle, et il faut savoir humblement le reconnaitre. Pourquoi m'acharner à faire des fautes de mains très désagréables pour mon cheval quand au final un nose band peut le stabiliser et donc me stabiliser indirectement et me permettre de laisser sa bouche tranquille ? Parfois, certaines aides sont un véritable accélérateur et un soulagement pour le cavalier comme le cheval. Ai-je été une tortionnaire ? Peut-être aux yeux de certains, toujours est-il que nous sommes deux dans cette histoire a avoir finalement trouvé du confort et que je ne suis pas sûre que cela aurait été possible sans cette étape un peu désagréable. C'est en tout cas la leçon que je tire à ce jour de mon expérience mais comme le prouve cet article, mon avis n'a pas fini d'évoluer !





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