L'équitation, un monde de nuances.

Plus le temps passe et plus l'équitation semble devenir un univers sans contraste. Tout est noir ou blanc, sans nuances. On est soit pour les pieds nus, soit on ferre. On est soit pour la vie en extérieur, soit on assume son cheval au box H24. On est soit pour le mors, soit pour les ennasures. Les entre-deux semblent vus comme de la lâcheté, un refus de prendre position. Mais au milieu de toutes ces guerres de clochers, n'aurait-on pas oublié que l'équitation est justement une histoire de nuances et de finesse ? Le diable est dans les détails ! C'est la finesse des actions, la finesse des ressentis, la mesure dans les décisions qui vont distinguer un bon homme de cheval d'un mauvais cavalier. Qui vont faire la différence entre celui qui demande et celui qui exige. Entre la victoire par démission de sa monture et la victoire par adhésion.


Les extrêmes n'ont rien de bon car ils amputent d'une partie de l'horizon. Ils reviennent souvent à choisir une voie au détriment, voir au rejet, d'une autre. Or en équitation, s'il y a bien une chose que l'on apprend rapidement, c'est qu'il n'y a pas de mode d'emploi. Chaque cheval, chaque cavalier, chaque histoire est différente, unique. À partir de ce constat, il devient difficile de décider à l'avance de se fermer des portes quand on ne sait quel chemin on va devoir emprunter. On peut être pour les pieds nus et finir par ferrer son cheval. Car ce n'est pas la même chose de ferrer son cheval par automatisme ou de réfléchir à chaque option et décider de ferrer car on ne peut offrir les bonnes conditions de vie nécessaires au développement correct du pied nu. C'est cette nuance dans la prise de décision qui est importante. Car la nuance s'accompagne de réflexion, puisqu'elle correspond au choix d'un degré dans une action. La nuance s'accompagne d'adaptabilité, puisqu'elle renvoie à toute une palette de possibilités de ce nuancier.


Les nuances et la finesse en équitation ; la marque des grands cavaliers.


Si l'on veut illustrer, on peut s'attarder sur la nuance entre persévérer et s'obstiner. La ténacité induite dans la persévérance est une qualité. C'est une forme de courage qui permet de travailler sur le long terme, sans s'essouffler, pour atteindre un objectif précis. L'obstination, elle, revient à être buté. Foncer même lorsque l'on sait qu'il y a un mur en face, s'entêter dans une action alors que l'on obtient pas le bon résultat. Pourtant, il faut savoir parfois lâcher prise, abandonner une idée momentanément ou définitivement. Accepter de reculer pour mieux sauter. Si ça ne marche pas, faut-il corriger ou punir ? Deux termes qui sont souvent employés et très connotés ! Corriger veut dire supprimer erreurs et défauts en remaniant, perfectionnant quelque chose. Une manière d'accompagner et de rediriger. C'est une action positive qui vise l'amélioration et n'implique en aucun cas une forme de violence. Alors que la punition peut parfois s'y rapporter. Elle implique une sanction, une action désagréable pour celui qui la reçoit. C'est la réponse (indésirable pour celui qui est puni) à une action (indésirable pour celui qui donne la punition). L'approche est plus négative (dans tous les sens du terme). Enfin, pour éviter de recourir à cet extrême, on peut se demander si on peut empêcher ou obliger le cheval à quelque chose. Dans les deux cas, on limite les possibilités d'action. Mais quand "empêcher" se contente de rayer une seule proposition de la liste, "obliger" la roule en boule et la jette pour imposer une unique solution. Cette distinction est particulièrement importante dans l'utilisation des enrênements, qui sont si décriés. Pourtant, réfléchissons : si on saisi toujours un couteau par la lame, on finira par dire qu'il est impossible de l'utiliser sans se couper. Mais est-ce réellement l'objet ou son utilisation qu'il faut remettre en cause ? C'est la même chose avec une grande partie des aides artificielles. Les rênes allemandes par exemple, sont là pour empêcher le cheval de sortir des aides, pas pour l'obliger à se mettre sur la main. Et c'est cette petite nuance qui fait la distinction entre leur bonne ou mauvaise utilisation (la question de leur efficacité est encore autre chose). La muserolle ou le noseband sont là pour empêcher d'ouvrir grand la bouche, pas pour obliger à la garder fermée.


Ces questions peuvent sembler triviales pour certains et n'être que de simples jeux de sémantique. Mais les mots ont un pouvoir : leur connotation, parfois inconsciente, a un impact fort sur l'esprit. Ce n'est pas pour rien que la libération de la parole soigne les êtres meurtris. Les mots sont les véhicules des idées, ils structurent notre pensée. Ainsi, plus notre vocabulaire est riche, plus nous en sommes en mesure de nommer, et ainsi identifier précisément, ce qui nous traverse (émotions) et traverse le monde. Plus nous sommes capables de parler de façon nuancée, plus notre pensée l'est. Et plus le nuancier de notre esprit est large, plus nous sommes en mesure de changer de gamme pour trouver celle qui correspond à chaque cheval. Car ils ont beau tous utiliser le même vocabulaire, ils ont chacun leurs verbes irréguliers qui nous obligent à tout réapprendre et à mettre de côté nos règles si chères.



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