Les réseaux sociaux ou la perversion de l'équitation ?

J'ai envie de vous partager aujourd'hui une réflexion qui n'a rien de nouveau, mais qui ne perd rien à être répétée (un indien avertit en vaut deux !). J'ai envie de vous parler des réseaux sociaux, ces outils merveilleux qui nous permettent d'entretenir et développer notre cercle social... mais qui ont pour effet pervers d'encourager le paraître devant toute cette audience réunie. Et le milieu équestre n'échappe pas à cette tendance, bien au contraire !

Les réseaux sociaux, c'est bien le spectacle de la perversion du milieu équestre. D'abord d'une façon latente, en nous accoutumant aux dérives et à la violence ordinaire au travers de belles photos. Belles par le cadrage, la qualité d'image, la gestion des couleurs, la composition, mais pas par ce qu'elles représentent. Techniquement irréprochables, elles en mettent plein les yeux ! Au point qu'on en oublie, sur ce portrait de champion d'obstacle en plein parcours, les naseaux dilatés par la difficulté à respirer sous un noseband 3 fois trop serré, la bave qui dégouline de la bouche par vagues, la surenchère d'enrênements qui lui font tenir la tête artificiellement si haute et plaquée. C'est un beau cliché, alors on ferme les yeux sur les ""détails""et on like. Et on s'habitue à voir ce genre d'images, à force de les voir affluer. On les banalise. À tel point que cela devient la norme même dans le milieu amateur et loisir : il n'y a qu'à regarder quelques uns des comptes les plus populaires sur Instagram. Ce qui marche, ce sont les belles photos, les beaux chevaux, pas le travail ou les réflexions de qualité. On peut avoir 1 million d'abonnés en montant comme un pied (pour ne pas dire comme un barbare en treuillant sur la bouche), pour peu qu'on ait un bon photographe ou un cheval pie ! En voyant cela, cette image creuse et même nocive de notre sport, je ne m'étonne pas que des activistes débarquent sur nos terrains de concours...

Couple cavalier-cheval pour réseaux sociaux.
Sur une seule séance, je pourrais choisir de vous montrer et de vous parler que de ceci...


Puis, il y a une forme de perversion qui nous touche plus personnellement : l'émergence de champions en tous genres, chuchoteurs en herbe et compagnie, qui ne laissent transparaître qu'une image bien lisse et contrôlée d'eux mêmes. Une image de perfection qui nous fait sentir petit et douter de nous : tous les autres ont l'air de tellement mieux réussir si l'on en croit les réseaux ! À l'heure du numérique où tout devient viral en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, ces cavaliers deviennent des idoles, adulés par des cavaliers jeunes (souvent) et moins jeunes. Et même ceux qui tentent de ne pas tomber dans le panneau de cette mise en scène de soi bien léchée, finissent inconsciemment par se comparer et se dévaloriser face à ces exemples de succès.

(On pourrait aller encore plus loin dans la réflexion et souligner que même les marques succombent à ces appels de sirènes et les encouragent, ayant bien compris combien l'image de ces influenceurs a d'impact. Et on entre dans un autre cercle vicieux : cavaliers prêts à promouvoir n'importe quoi du moment qu'ils reçoivent une contrepartie, marques prêtes à envoyer leurs produits à n'importe qui, du moment qu'il y a des likes).

Cheval qui se cabre.
... et ne jamais mentionner cela. Et même si je poste ces 2 image, laquelle aura le plus de likes ?


Pourtant on le sait : le cavalier parfait n'existe pas. L'important est bien d'emprunter le bon chemin, peu importe que nous en soyons au début de notre voyage ou arrivé à destination. Et qu'on se rassure : de véritables champions ou hommes de chevaux, il n'y en pas à chaque coin de rue. Tout cela n'est que mensonge, que ce soit volontaire (un cavalier qui s'invente une histoire, qui pratique le plagiat pour paraître plus brillant et trompe réellement sur la marchandise) ou par omission (un cavalier qui ne parle pas de ses erreurs et/ou camoufle ses échecs : ce qui en soi n'est pas un crime car rien n'oblige à se dévoiler complètement sur le net. Il vaut même mieux parfois se protéger). C'est à nous d'être attentifs et de ne pas céder à toute cette poudre aux yeux. C'est à nous de prendre du recul face à ce que l'on peut voir et de s'interroger. Même si liker ne veut pas forcément dire adhérer, c'est à nous de dénoncer la violence ordinaire cachée derrière les belles mises en scène. C'est à nous de ne pas jouer les simples spectateurs, pire, les voyeurs, sur les réseaux mais d'en faire une utilisation intelligente. C'est à nous d'agir pour que les réseaux sociaux deviennent un moyen de promouvoir une belle équitation et une porte d'entrée pour changer notre sport et ses mentalités.

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