Le travail à pied, cette discipline sous-estimée.

Un petit article simple et moins fouillé que d'habitude pour simplement déclarer mon amour pour le travail à pied et semer la petite graine de la curiosité dans la tête de ceux qui n'y se sont encore jamais intéressés. Tellement de possibilités au sol et de bénéfices... Même si je préfère rappeler en introduction que le travail à pied n'a rien de miraculeux. Au sol ou en selle, ce qui compte c'est la clareté de notre communication et notre attitude : être un cavalier respectueux, fiable, constant, qui s'exprime de façon claire et écoute son cheval en retour. C'est comme ça que l'on batit une bonne relation. Le travail à pied n'est qu'un outil de plus, mais un sacrément bon dont il serait dommage de se priver !



Travail à pied ? Quel travail à pied ?


Qu’on se le dise : même si la tendance est à « l’équitation (dite) éthologique » qui pousse beaucoup de cavaliers à vouloir se lancer dans le travail à pied, une bonne partie des cavaliers classiques utilise très peu ce mode de travail, qui n’est pas valorisé non plus dans les clubs. Peut-être ai-je été dans les mauvais centres équestres me direz-vous. Il suffit néanmoins de jeter un œil au programme fédéral pour voir que ce n’est pas une priorité dans l’enseignement équestre français : pendant longtemps, le seul exercice à pied évoqué pendant le passage des galops était la longe, et ce à partir du galop 5-6 seulement et de manière assez basique (faire tourner un cheval sur un cercle). C’est dire la place accordée au travail au sol jusqu’à récemment… La refonte du programme des galop a représenté une petite avancée et a fait la part belle au travail aux longues rênes. Mais c’est encore tellement peu représentatif de la multitude de possibilités qui existent à pied ! Heureusement, des nouvelles disciplines commencent à émerger et à se populariser (Equifeel, Mountain Trail...) et les idées de séance ne manquent pas : 

  • Travail en longe : qui ne se résume pas à faire tourner son cheval sur un cercle, loin de là ! On peut, et même, il FAUT alterner avec des lignes droites ! En licol ou en filet, enrêné ou non, on peut travailler aux 3 allures sur du plat, des cavalettis ou des obstacles. 
  • Travail aux longues rênes : derrière son cheval où en se mettant dans la même position qu’en longe, on peut travailler une multitude d’exercices de dressage avec plus de précision (due aux rênes) et de liberté de mouvement qu’en longe. 
  • Travail à l’épaule : le cavalier se tient au niveau de l’épaule du cheval et le conduit en filet, caveçon ou licol équipé de rênes, en marchant au même niveau que lui pour travailler là encore les exercices de dressage, notamment ceux de rassembler et d’élévation. 
  • Travail en main : terme un peu fourre-tout qui regroupe les exercices plutôt statiques du type cession aux pressions, chasser/aspirer les épaules ou les hanches mais aussi tout ce qui est travail d’éducation (désensibilisation à des objets/bruits/lieux) et de conduite (marcher en main en respectant son guide…). 
  • Travail en liberté : cela peut être du travail très classique comme une ligne d’obstacles, de la longe avec un cheval parfaitement connecté et aux ordres qui n’a plus besoins d’outils pour le cadrer, ou du travail plus fun et freestyle comme suivre son cavalier aux 3 allures, aller tourner autour d’un plot et revenir… 
  • Balade/randonnée à pied : si si, c’est du travail puisque le cardio et la bonne éducation pour faire face à toutes les situations de l’extérieur (réactions face aux voitures et vélos qui passent, autres animaux, environnement inconnus) entrent en jeu ! Cela recoupe le travail en main mais je tenais à souligner que l’extérieur, à pied ou monté, n’est pas synonyme de paresse et facilité mais demande aussi une préparation.
Longues rênes ou longe, ce type de travail à pied est parfait pour débuter avec son cheval.
Se contenter de peu au début et bien observer.



Pourquoi travailler son cheval à pied ?


La question que certains peuvent se poser est : quel intérêt à travailler à pied ? On peut déjà faire tellement de choses en selle, n'est-ce pas suffisant ? Le travail à pied est simplement une clé supplémentaire pour mieux comprendre son cheval et améliorer notre travail. Imaginons l'équitation comme un couteau suisse : monter son cheval pour ne faire que du dressage reviendrait à avoir un simple couteau. Le monter en pratiquant diverses disciplines ajouterait différents types de lames. Pratiquer le travail à pied permet d'avoir un tournevis ! On ne dirait pas comme ça, mais ça va être très utile pour débloquer pas mal de situations et il va parfaitement compléter les lames. Pour moi, le travail à pied est également ce qui va différencier un simple cavalier d'un vrai homme de cheval.

Revenons-en plus précisément aux avantages et bénéfices du travail à pied pour motiver les plus sceptiques. Il permet de :

  • Travailler son cheval sans le poids et les erreurs de son cavalier : sans poids sur le dos qui le déséquilibre ou bloque ses mouvements, sans fautes de mains (sous réserve de travailler en licol ou en caveçon) contredisant les demandes effectuées. Le travail à pied est parfait pour tester son cheval sur un exercice en le laissant réfléchir/se débrouiller ou en l'accompagnant sans être trop présent. Ne pas avoir de cavalier sur le dos lui permet aussi de se mouvoir de façon naturelle et d'exploiter toutes ses capacités physiques sans élément perturbateur. 
  • Préparer physiquement et mentalement son cheval : qui dit pas de poids sur le dos dit possibilité de se muscler et de travailler la souplesse en douceur ! Pour un jeune cheval ou un cheval sortant de convalescence, le travail a pied devrait être un passage obligé pour le (re)mettre en forme : reprendre du souffle, reconstruire du muscle et préparer le mental à la reprise d'un rythme de travail. Ce n'est pas pour rien que l'on commence souvent le travail de désensibilisation à pied : la présence du cavalier à leurs côtés rassure bon nombre de chevaux tout en leur laissant la possibilité de s'exprimer, s'éloigner jusqu'à être prêt à rentrer dans l'exercice. 
  • Faire comprendre un exercice à un cheval : on commence le débourrage à pied et il serait peut être bon de procéder de même pour l'apprentissage de n'importe quel nouveau exercice. Il est plus facile de corriger l'attitude ou la position d'un cheval à pied car nous pouvons utiliser notre positionnement, notre énergie, nos mains, le toucher direct pour lui donner des indications. Le cheval est un animal qui communique par langage corporel : il est très fort pour décrypter nos intentions en nous observant, alors que comprendre des aides en selle n'est pas inné. Un va-et-vient entre le travail à pied et en selle ne sera donc que bénéfique pour faire comprendre un exercice. Exactement comme nous : nous avons besoin parfois que notre interlocuteur reformule sa phrase ou change de méthode pour nous faire comprendre une idée. 
  • Prendre conscience de l’énergie qu’on dégage et de notre propre attitude : parfois nous ne comprenons pas certaines réactions de notre cheval en selle et pour cause, nous manquons de recul sur notre attitude ! Un cheval qui s'agace quand on lui demande de ralentir est souvent une réaction au mauvais timing de son cavalier qui ne relâche pas ses rênes assez vite quand sa monture a cédé. Un cheval toujours tendu à pied peut être une réaction à un cavalier trop exubérant, bruyant, qui ne se rends pas compte du trop plein d'énergie et de pression qu'il dégage. Le travail à pied est un moment privilégié à mon sens pour travailler tout ça : travailler sur soi-même, sur notre attitude, sur notre finesse et sur notre réactivité. 
  • Observer son cheval qui travaille : en selle, nous sentons plus que nous voyions notre cheval travailler. Et pourtant, je trouve très intéressant de pouvoir observer sa monture pour pouvoir comparer ce que l'on voit avec les sensations que l'on a au travail. L'observation de son cheval peut permettre de déceler des problèmes, des faiblesses, des progrès dans sa locomotion comme dans son attitude, et mieux comprendre son fonctionnement. 
  • Varier les séances : eh oui, il faut prendre autant soin du corps que de l'esprit et plus on varie les séances, plus on évite l'ennui et la démotivation ! 
  • Créer du lien avec son cheval : contrairement à ce qu'on essaye de nous faire croire parfois, le travail à pied n'est pas la recette magique pour créer une complicité avec son cheval. Mais ça y contribue ! À pied, le cheval est en mesure de nous observer et de se familiariser à nous. Je pense que c'est un facteur important dans la construction d'une confiance réciproque : notre cheval a besoin de savoir à qui il a affaire, comment on fonctionne, quels sont les codes et les habitudes. À pied, nous avons aussi des interactions plus naturelles (pour lui : usage du langage corporel) et plus nombreuses qui vont amener à plus de dialogue. Enfin, le fait d'amener cette variété de travail à pied dans son quotidien va nous rendre plus intéressant à ses yeux. Ces explications sont un peu simplistes et brèves mais l'idée est là : le temps passé à pied n'est jamais du temps perdu pour sa rapprocher de son cheval.
Prendre du temps à pied avec son cheval.
Observation mutuelle pour mieux se comprendre.



Le dernier mot Jean-Pierre...


Je pense que vous l'aurez compris à travers cet article mais pour moi le travail à pied est devenu un indispensable ! Je ne m'imagine plus travailler avec un cheval sans auparavant prendre le temps de le découvrir au sol et sans incorporer ce type de séances dans notre quotidien. Suite à l'achat d'Easy, j'ai passé 4 mois à pied et cette phase a été cruciale : elle a posé les bases de notre relation, j'ai appris à le connaitre et à lui faire confiance, elle lui a permis de découvrir son environnement et se familiariser à mon comportement, on a mis en place les premiers codes et le jour où je me suis remise en selle, j'ai ainsi pu le faire sereinement. Encore aujourd'hui, malgré toutes les émotions et les difficultés, j'ai rarement eu peur et j'ai toujours surmonté les phases de déception et ce, grâce au lien que nous avons à pied et à la satisfaction et l'apaisement qu'apportent ces moments partagés au sol. J'ai également un 5 ans exceptionnellement bien dans sa tête, brave, qui passe partout, et je pense que le temps passé à pied en extérieur et à faire de la désensibilisation n'y sont pas étrangers.

Même si vous n'avez jamais travaillé à pied, un peu d'observation, de jugeote et de tact (comme en selle, n'est-ce pas ?) suffisent pour se lancer. La règle d'or est la progressivité : tant que vous la respectez, vous pouvez tâtonner sans risquer de commettre de grosse erreur. Et Dieu merci, les chevaux sont promptes à pardonner tant que l'on se donne la peine de les écouter. En bibliothèque ou sur le net, vous trouverez nombre d'explications écrites ou de vidéos pour débuter même s'il ne faut pas hésiter par la suite à se faire encadrer.

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