Cheval d'équithérapie, qui es-tu ? Entre équidé modèle et miroir de l'homme, portrait de cet animal médiateur.

"L'extérieur du cheval exerce une influence bénéfique sur l'intérieur de l'homme" : ce n'est pas moi qui l'ai dit, mais le célèbre Winston Churchill. Et quel visionnaire ! Si vous suivez un poil l'actualité équestre et équine, vous n'avez pas pu échapper depuis une bonne année à la nouvelle tendance en matière de soins thérapeutiques : l'équithérapie.



Selon la Société Française d'Equithérapie, « l'équithérapie est un soin psychique médiatisé par le cheval et dispensé à une personne dans ses dimensions psychiques et corporelles ». En gros, on utilise le cheval comme intermédiaire entre le personnel thérapeutique et des personnes atteintes d'handicaps physiques ou mentaux, malades ou en situation de détresse (enfants placés, conflits familiaux...). Grâce aux interactions et aux stimulations induites par la proximité/le contact avec le cheval, on peut amener un enfant autiste à reprendre contact avec le monde qui l'entoure ou une personne âgée à développer ses capacités physiques par exemple. De vrais petits miracles donc, obtenus grâce au concours (une personne qualifiée reste nécessaire pour avoir des résultats) de la plus noble conquête de l'homme, qui stimule et apaise les âmes en souffrance.

équithérapeute diplomée
C'est donc de lui en particulier que j'avais envie de parler dans cet article, car si les témoignages sur les bénéfices de l'équithérapie ne manquent pas, on met finalement peu en avant celui sans qui rien ne serait possible : le cheval médiateur. Et quoi de mieux pour en apprendre plus sur lui que de demander l'avis d'une professionnelle ? Je vous demande un tonnerre d'applaudissements (ou plutôt une avalanche de commentaires) pour Violaine, équithérapeute diplômée et présidente de l'association Ani'Maux'Tion !





Bonjour Violaine ! Une petite présentation pour nos lecteurs avant de commencer ?

Bonjour ! Violaine, éducatrice spécialisée, je travaille dans un foyer d’accueil et d’observation d'enfants placés par le juge par mesure de protection. En parallèle de mon travail d’éducatrice, j'ai réalisé sur deux années (durant mes week-ends et mes vacances) une formation d’équithérapeute avec la Société Française d’Equithérapie, puis une formation d’intervenante en médiation animale (zoothérapie) au centre de formation Agatéa. Suite à cela, j'ai pu réaliser mon rêve d'enfant: créer  ma propre association proposant des séances de médiation animale et d'équithérapie, Ani'Maux'Tion. C'est beaucoup d'investissement car j'y travaille sur mon temps de repos et j'en suis à la fois fondatrice, présidente et intervenante sur le terrain. Mais je me suis entourée de personnes compétentes pour me soutenir et j'espère un jour pouvoir développer suffisamment l'association pour en devenir salariée et m'y consacrer pleinement. Pour le moment, je propose des séances d'équithérapie au centre équestre de Varennes Jarcy.
Association de médiation animale et d'équithérapie.
Le logo d'Ani'Maux'Tion.



Tu viens de le dire: en plus de l'équithérapie, tu pratiques la médiation animale. Tu avais donc le choix en matière d'animaux à utiliser: pourquoi t'être tournée vers le cheval ? Comment expliquer que cet animal en particulier se prête si bien aux thérapies pour les humains ?

Il y a beaucoup de choses à dire sur le cheval ! Par son aspect physique, sa grandeur, sa force et sa prestance, il impose naturellement le respect et ses propres règles, ce qui est très intéressant par exemple avec des enfants qui présentent des troubles du comportement, qui s'opposent à toute forme d'autorité ou qui ont du mal à gérer leur frustration. Le cheval possède donc une symbolique paternelle. Mais il a aussi une symbolique maternelle : il a la capacité de pouvoir porter, soutenir et transporter, ce qui reproduit un peu le bercement de notre mère et permet de revivre des expériences primaires du nourrisson et une régression psychique très utile dans le cas de certaines pathologies. A savoir aussi que le simple fait de se laisser bercer par le mouvement du cheval sollicite plus de 300 muscles chez le cavalier (!), ce qui aide grandement au niveau des rééducations ou du maintien de compétences physiques et motrices. Les bénéficiaires (terme utilisé pour parler des "patients" en équithérapie) peuvent aussi simplement le brosser ou le nourrir : s'occuper d'un animal si grand et imposant est très valorisant, surtout pour des personnes qui ont l’habitude de recevoir des soins. On a un effet miroir : pour une fois, ce sont elles qui prodiguent les soins à autrui et qui ont des responsabilités.
Exemple exercice d'équithérapie avec un poney.
Amener les enfants à se poser, se détendre et canaliser leur énergie.

À côté de ça, la finesse et la sensibilité du cheval fascinent également. Regarder un cheval se mouvoir en liberté, le caresser, sentir son odeur, la chaleur qui se dégage de son corps… tout cela est très apaisant et ressourçant. Cela aide les bénéficiaires à se recentrer sur l’instant présent, à se reconnecter avec leurs sensations, leurs ressentis et leurs émotions. Et pour maintenir ce lien avec le cheval, les bénéficiaires (surtout les enfants) doivent apprendre à canaliser leur propre énergie, leurs émotions, être moins agités pour ne pas effrayer cet animal qui a conservé son instinct de fuite. Petit à petit, presque instinctivement, les enfants perturbés vont apprendre à se concentrer et à prêter attention à leurs actions les conséquences qu'elles entraînent pour établir un lien positif avec lui. On utilise ce même instinct du cheval durant les séances : les chevaux sont vifs, ils réagissent du tac au tac aux attitudes et comportements de chacun (action = réaction). C'est un mode relationnel très simple, même pour les enfants, ce qui est donc rassurant et bien plus claire que les relations avec les adultes ou le personnel soignant qui ont souvent des exigences et des attentes envers les patients. Cette communication non verbale du cheval est particulièrement intéressante avec les enfants autistes ou qui ont des difficultés à entrer en relation (agressivité, difficultés de communication...).

Enfin, la curiosité et l'instinct grégaire du cheval le poussent à chercher le contact et à entrer en relation avec l’homme, peut importe son apparence ou ses compétences. Il ne juge pas, il accepte la personne telle qu’elle est du moment qu’elle est bienveillante avec lui. C'est très important pour les personnes en souffrance qui se sentent parfois isolées. En bref, on peut dire que le cheval est un merveilleux allié pour les thérapies grâce à son physique hors norme, les symboles qui y sont liés (la liberté etc) et son instinct qui est resté assez primitif.



Le cheval possède donc naturellement des qualités utiles en thérapie. Mais quelles sont les compétences particulières recherchées chez un cheval médiateur ? Comment choisit-on un cheval d'équithérapie ?

Le choix du cheval se fait principalement par rapport à ses prédispositions de caractère. Un bon cheval d’équithérapie est un cheval doux, calme, curieux, qui cherche le contact avec l’homme, bien dans sa tête et dans ses sabots, qui ne montre pas de signe d’agressivité, qui se comporte correctement au pansage (pas de mordillements, même pour jouer), qui accepte de rester seul dans le manège et de se faire papouiller sur tout le corps. Si possible, il faut également que le cheval soit porteur (les bénéficiaires sont aussi bien des enfants que des adultes), confortable pour monter à cru et avec des allures régulières faciles à accompagner en selle.

Mais je pense qu’au final, le plus important, c’est le feeling entre l’équithérapeute et le cheval. Il faut se sentir à l’aise avec lui, se faire confiance mutuellement. L’équithérapie comme la médiation animale fonctionne sur un mode de relation triangulaire (équithérapeute/bénéficiaire/cheval médiateur) et c’est la qualité et la richesse de cette relation entre les trois qui permet le travail thérapeutique. En effet, si l’équithérapeute n’a pas réussi à tisser une relation de confiance avec le cheval, cela ne peux pas fonctionner entre le cheval et le bénéficiaire car tout cela se ressent.

Cheval médiateur d'équithérapie.
Muscat et Fenzal, mignons, curieux et calmes, prêts pour leur séance.

En bref, pour choisir son cheval médiateur, je pense qu’il faut simplement se faire confiance, écouter ses ressentis et observer le cheval en question. Il doit prendre plaisir à être en séance avec nous (équithérapeutes) et avec les bénéficiaires. Le bien-être de mes animaux médiateurs est essentiel pour moi et de toute façon s’ils ne sont pas bien, ils ne pourront pas apporter d'apaisement et de bien-être en retour. Je choisis donc soigneusement mes chevaux et je me garde le droit d’arrêter une séance à tout moment si je sens qu’un animal est en "souffrance".



Comment utilises-tu le cheval durant tes séances ? Peux-tu donner des exemples d'exercices ?

Les exercices et activités que je propose par l’intermédiaire de mes partenaires équins permettent une stimulation cognitive, relationnelle, motrice et sensorielle. Mais il faut savoir qu'il y a autant d’exercices qu’il y a de patients ou d’équithérapeutes ! La seule limite est l’imagination et surtout, il faut que l’exercice réponde aux besoins particuliers de la personne et aux objectifs que nous avons fixés ensemble.

Nous pouvons faire des exercices avec le cheval en liberté, du travail au sol ou bien à cheval. Cela va être, par exemple, réaliser un parcours en selle ou à pied en guidant le cheval (slalom, s'arrêter à un endroit précis...) pour stimuler l'équilibre, la coordination, l'attention, la concentration, la mémoire, se repérer dans le temps et l'espace. J'aime aussi solliciter les 5 sens en bandant les yeux du bénéficiaire et en lui faisant toucher le corps du cheval, sentir différentes odeurs (paille, foin...), écouter... Je peux aussi travailler le schéma corporel en demandant à la personne de montrer et nommer les différentes parties du corps du cheval, puis les siennes. Le bénéficiaire apporte des soins à l’animal, il le brosse, lui donne à manger, le caresse. Parfois, il n'y a pas besoin de faire d'exercice élaboré, simplement de travailler le relationnel en mettant le bénéficiaire et le cheval en contact, les laisser s'observer, apprendre à comprendre et connaitre le fonctionnement du cheval, être à l'écoute de ses besoins et indications, ce qui permet ensuite d'être à l'écoute de ses propres ressentis et émotions. Le cheval est avant tout un support, un intermédiaire, une aide, mais il faut impérativement un spécialiste qualifié pour que les exercices donnent des résultats.

Parcours de motricité d'équithérapie.
Parcours de motricité pour entretenir les capacités physiques
et cognitives des personnes âgées.



De ce que tu dis, le cheval médiateur est donc un véritable partenaire, qui ne soigne pas mais t'aide à mieux comprendre tes patients (et qui les fait mieux se comprendre eux-mêmes). Est-ce qu'il te donne des indications concrètes pour ça ?

Effectivement, le cheval nous communique pleins de choses par le biais de son comportement en séance. Le cheval est le miroir de nos émotions. De par son instinct et sa sensibilité, on ne peut pas tricher ou faire semblant avec lui car il ressent tout : nos émotions, nos peurs, nos tensions. De ce fait, il arrive souvent que le cheval ressente une certaine agitation ou agressivité chez le patient qui peuvent se traduire par un changement de comportement de sa part (oreilles en arrière, agitation, mouvement de recul, tentative de morsure…). Le poney le plus calme du monde peut devenir d’un seul coup très agité… ou à l’inverse, un poney très agité et un peu brusque peut devenir aussi doux qu'un agneau suivant ce qu'il ressent chez le bénéficiaire. J’ai déjà observé de tels changements de comportement de nombreuses fois, le cheval étant en quelque sorte une « éponge » émotionnelle : il prend en lui toutes nos tensions et émotions négatives. Cela aide beaucoup à faire le point sur ce que ressent le patient (surtout quand il n'a lui-même pas conscience des émotions qu'il refoule) et à voir comment il évolue dans le temps.

Cheval d'équithérapie recevant une caresse.
Un cheval calme et affectueux face à une personne enfin apaisée.

Mais à cause de cela, il est important que les chevaux utilisés en équithérapie soient rigoureusement choisis et éduqués pour éviter de trop gros débordements et il est primordial qu'ils aient des moments pour se défouler et évacuer toutes ces tensions absorbées. Ils ne doivent pas faire uniquement de l'équithérapie mais aussi des balades et toutes sortes d’activités pour garder leur fraîcheur et leur disponibilité au moment des séances. C’est pour cela que j’ai choisi de travailler avec un centre équestre qui met ses équidés au pré tous les jours.



Quel a été le changement de comportement (chez le cheval ou le patient) le plus impressionnant que tu aies eu au cours d'une de tes séances d'équithérapie ? Et quel est ton meilleur souvenir de séance ?

Durant l’un de mes stages, nous avions une petite fille atteinte du syndrome de Rett (trouble du système nerveux) qui souffrait de nombreuses stéréotypies manuelles, avec une perte du contrôle de ses mains qui l'amenait à se blesser involontairement au visage à longueur de journées. De ce fait, elle était malheureusement contrainte d'avoir ses mains attachées à son fauteuil roulant pour la protéger. Les séances d’équithérapie étaient alors quasiment l’unique moment où elle avait les mains détachées, car nous avions observé que le contact avec son poney l’apaisait et semblait lui faire réduire momentanément ses stéréotypies. Elle retrouvait suffisamment de contrôle pour rester libre et profiter de ce moment.

Mais mon meilleur souvenir reste celui d'un enfant autiste qui a prononcé ses tout premiers mots en séance d'équithérapie pour parler à son poney, et qui plus tard, a réussi à toucher son poney pour la première fois en contact direct, sans l'intermédiaire d'une brosse ou d'un objet, ce qu'il refusait jusque-là. C'est vraiment pour des moments comme ceux-là que j'ai voulu être équithérapeute.

Exemple d'exercice avec un poney médiateur.
L'équithérapie, un moyen d'acquérir de nouvelles capacités.



Le dernier mot Jean-Pierre...


Merci beaucoup à Violaine de s'être prêtée au jeu de l'interview et d'avoir pris le temps de détailler autant ses réponses ! On comprend mieux le succès de l'équithérapie quand on est à même de comprendre le rôle clé du cheval. Et finalement, ce n'est pas si simple d'être cheval médiateur : il faut être à la fois curieux mais tenir en place, calme et doux mais assez sensible et réactif pour s'adapter à chaque bénéficiaire, être patient et tolérant pour rester en place de longs moments ou se laisser toucher partout... Plus que des chevaux modèles, ils sont alors de véritables aide soignants, participant aux succès et progrès de chaque patients.

Si comme moi le principe de l'équithérapie vous plait et que vous voulez encourager son développement en France, vous pouvez devenir membre d'Ani'Maux'Tion, faire un don ou tout simplement partager le site ou cet article pour donner un coup de pouce à l'association et faire connaitre cette pratique !














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3 Cavaliers ont dit

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. Il y a aussi les équiciens, nouveaux métier. Ils accompagnent les soignants et leur patients avec les chevaux. Ils sont là pour gérer le cheval et permettre au professionnel d'être plus avec le patient et d'avoir un autre point de vue. Ce qui est très important quand on travail avec des gens en souffrance.

    Puis le médiateur équin qui à la même fonction que l'équithérapeute mais sans le coté thérapeutique donc médical. C'est encore un univers très flou ou le cheval es l'objet de beaucoup d'envie humaine, ce qui peut être très perturbant pour eux. Nous sommes au prémisse (et encore certaines structures comme l'hôpital st Jean de Dieu à Lyon font cela depuis 70 ans) donc on va dire au début de l'acceptation d'une autre possibilité de soigner les gens et de travailler un cheval.

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