Le cheval et le froid : comment l'affronte-t-il et comment l'y aider ?

Novembre est de retour, ce qui signifie le passage en douceur (ou pas) du doux automne au froid hivernal. Nos chevaux s'y préparent depuis quelques semaines en sortant la pilosité lourde et déjà se posent plusieurs questions: faut-il couvrir dès maintenant ? Faut-il tondre ? Si l'an dernier nous avions vu comment choisir sa couverture, nous ne nous étions pas posé la question essentielle venant avant toutes ces interrogations: mon cheval a-t-il froid ? Pour répondre à cela, il faut déjà comprendre comment le cheval fonctionne face à la chute des températures avant de pouvoir identifier les signaux d'alerte qu'il nous envoie et ainsi l'aider à lutter.



Comment le cheval se protège-t-il du froid ?


Qu'on se le dise tout de suite : le cheval est un animal tout a fait armé pour affronter le froid ! Pas d'anthropomorphisme (comme toujours), il dispose de tout un arsenal de solutions pour affronter les changements de saison, qu'il déploie dès que la température descend en-dessous de 5°C ou monte au-dessus de 25°C. Entre ces deux températures, on est dans ce qu'on appelle la "zone de neutralité thermique" du cheval : il est capable de s'adapter à ces températures sans dépenser d'énergie supplémentaire. Lorsque son entretien, en particulier son nourrissage, est adapté à la saison froide et qu'on laisse au cheval le temps de s'adapter, cette zone de neutralité peut descendre à une fourchette comprise entre -15°C et 10°C ! Et s'il résiste à des températures aussi spectaculaires, c'est grâce à plusieurs éléments:

  • Grâce à son poil : le poil du cheval est particulièrement intéressant : en plus d'être imperméable, il est plus touffu en hiver (la couche de poil supplémentaire produite sert d'isolant) et possède une fonction érectile ! Lorsqu'un cheval a froid, il dresse ses poils afin que l'air s'engouffre entre sa peau et sa toison hivernale. Cet air emprisonné dans le poil du cheval se réchauffe et le garde au chaud durablement, comme un petit radiateur intégré. Si nos équidés ressemblent parfois à des nounours au poil ébouriffé, c'est donc à cause de ces poils dressés qui les maintiennent à une bonne température.
Robe d'hiver, poil d'hiver du cheval. Poil de jarre, poil de couverture, duvet.
Sisi, on vous dit que c'est pour leur bien et que c'est temporaire !

  • Grâce à sa posture : si vous retrouvez votre cheval immobile, tête basse et dos au vent/à la pluie/à la neige, pas d'inquiétude, il se protège simplement du mauvais temps. Croupe tournée vers les éléments, il attend que cela passe, un peu à la façon que nous avons de tourner la tête pour ne pas se prendre la pluie en pleine face. Tant qu'il ne semble pas prostré, contracté, il n'y a pas de quoi s'alarmer, certains chevaux préfèrent même rester ainsi dehors plutôt que de se mettre à l'abri. 
  • En faisant fonctionner ses muscles : grâce à de légers tremblements pour faire bouger les muscles. Attention toutefois, ils doivent rester discrets et se voient plutôt aux changements de saison. En plein hiver, ils sont le signe que c'est trop tard, le cheval a froid. 
  • En mangeant : la nourriture est une des clés pour garder un cheval au chaud. D'une part, parce que lutter contre le froid consomme beaucoup d'énergie et que celle-ci se renouvelle grâce aux vitamines et minéraux que l'on trouve dans la nourriture. D'autre part, car la fermentation des aliments dans le gros intestin dégage de la chaleur et réchauffe tout le corps du cheval. Voilà pourquoi le foin à volonté est indispensable en hiver !



Comment savoir quand il a froid ? 


Maintenant que l'on sait tout ça, on pourrait croire que les chevaux sont invincibles. Mais non, il arrive que nos équidés, malgré toutes nos protections et les leurs, aient quand même froid. Bien souvent, c'est la faute à une pluie ou un vent trop forts : la pluie torrentielle traverse le poil et mouille la peau et le vent violent ébouriffe et soulève sans cesse le poil, l'empêchant de garder l'air chaud capturé. La neige parait moins problématique puisqu'elle se pose sur l'extérieur du poil où elle peut créer une couche supplémentaire isolante ou se mettre à fondre si le cheval se chauffe bien. Regarder le ciel peut donc vous indiquer si, potentiellement, vos chevaux risquent d'avoir plus froid aujourd'hui.

Si c'est le cas, alors c'est tout leur comportement qui se modifie à travers des signaux très précis et identifiables avec un peu d'observation :

  • Prostration. 
  • Cheval qui se tient sous lui, sabots sous le ventre plutôt que bien d'aplomb avec les antérieurs sous les épaules et les postérieurs sous la croupe. 
  • Queue plaquée à la croupe, entre les jambes et rigide. 
  • Dos tendu, reins contractés et remontés. 
  • Ventre contracté. 
  • Forts tremblements. 
  • Perte de poids et d'énergie.
Reconnaître un cheval qui a froid.
Excellente illustration d'un cheval ayant froid par poneyclubdeclary.fr



Si vous avez des doutes, vous pouvez procéder à quelques vérifications, qui ne sont toutefois pas aussi fiables (en tout cas moins que la prise de température) :

  • Toucher le poil sous la couverture de votre cheval : si le poil est trop froid, c'est que la couverture ne le protège probablement pas assez. 
  • Toucher la base des oreilles ou l'entre-cuisse : ces zones doivent normalement rester plutôt tiède. 
  • Soulever le poil pour toucher la peau : si elle est mouillée, c'est que le poil n'est plus imperméable et qu'il faut sécher votre cheval soit manuellement, soit en le mettant à l'abri mais dans un endroit aéré pour qu'il puisse recréer ses couches d'air et se sécher seul (et oui, contrairement à nos croyances, il n'est pas forcément dangereux de laisser un cheval mouillé dehors à l'air libre [dans la limite du raisonnable]). C'est là toute la différence entre un cheval qui a pris la pluie et un cheval qui a transpiré : si la pluie n'a pas traversé le poil, elle ne pose aucun problème car le poil imperméable forme comme des gouttières qui évacuent l'humidité. Par contre, la transpiration suinte de la peau et traverse le poil. La peau est donc mouillée et risque de refroidir tout le cheval.
Le poil du cheval, un isolant naturel.
Les gouttières formées par le poil du cheval pour évacuer l'eau.
Crédit : Cheval-facile.com




Comment ne pas perturber les défenses contre le froid du cheval


C'est bien beau tout ça, mais la dernière question restante est : comment prévenir pour ne pas guérir ? Eh bien en respectant le fonctionnement de son cheval, en le laissant mettre en place ses propres défenses et en les entretenant. Ce qui consiste à : le faire vivre dehors à l'année sur un terrain comportant au moins un abri, ne pas le tondre et augmenter ses rations. Mais à défaut de cette vie idéale qui n'est pas toujours possible logistiquement, il faut compenser les manques que nous créons (rentrer au chaud un cheval qui n'est pas habitué à vivre dehors, couvrir un cheval tondu...) et limiter nos insertions dans les défenses du cheval.

  • Laissez-lui le temps de s'habituer aux températures : il faut compter bien 3 semaines pour qu'un cheval s'adapte à de nouvelles températures. C'est pour cela que, comme nous le disions plus tôt, les chevaux peuvent trembler à la mi-saison : c'est le temps que leur organisme réagisse à l'agression du froid. Ne perturbez pas ce processus en couvrant trop tôt ! Et de la même façon, ne modifiez pas brusquement les conditions de vie d'un cheval lorsque la saison change (passage d'une écurie fermée à une écurie ouverte en plein hiver, passage du box au pré alors que la saison est trop avancée...).
  • Ne pas brosser le poil mouillé par la pluie : le poil est imperméable, frotter c'est faire entrer l'eau au contact de la peau. A moins que vous ne comptiez sécher entièrement votre cheval ou le rentrer au box ensuite, ne touchez à rien !
  • Ne pas brosser trop activement le poil en hiver : à la mauvaise saison, le poil des chevaux se couvre d'une petite couche grasse qui sert d'isolant. Si vous brossez, vous enlevez donc une défense de votre cheval. Le mieux est de nettoyer uniquement les endroits où vous mettez votre matériel : tant pis pour le style, pas grave s'il reste de la boue, mieux vaut ne pas perturber les efforts fournis par votre cheval pour rester au chaud !
La boue, protection naturelle des chevaux !
À ce stade, le mieux est encore de laisser son
cheval se débrouiller ! - Crédit : horsenetwork.com

  • Si votre cheval est non-couvert et vit en extérieur, brosser à contre-sens le poil en fin de séance : si vous avez bien lu tout l'article, vous aurez compris que le mieux pour sécher un cheval est de laisser son poil gonflé et aéré. 
  • Si votre cheval est couvert ou vit en intérieur, toujours bien le sécher avant de le rentrer : au naturel, le cheval cherche le vent pour le faire entrer sous le poil et sécher plus vite. Ce n'est pas possible dans une écurie et la couverture empêche le poil de se dresser et d'évacuer l'humidité. Il est donc nécessaire de faire le séchage vous même, d'autant qu'un cheval qui a froid au box n'a pas la possibilité de se réchauffer en marchant. 
  • Conseils pour sécher efficacement un cheval : le laisser se rouler dans du sable bien sec qui va absorber une partie de l'humidité, passer le couteau de chaleur puis frotter avec une serviette (diablement efficace !), bouchonner avec la paille (attention, la paille ne sèche pas vraiment mais masse le cheval, active ses muscles et stimule l'augmentation de sa température : il faut donc attendre un certain temps pour le remettre dehors sous peine d'un petit choc thermique !) et enfin lui mettre une séchante et attendre sagement à l'écurie. 
  • Conseils pour tenir chaud à un cheval vivant dehors : augmenter ses rations, lui mettre à disposition un endroit sec où se coucher (se chauffer ça fatigue !), le rentrer la nuit pour qu'il se repose, avoir des copains contre qui se coller pour se réchauffer, bien choisir sa couverture s'il en a une et ajouter un couvre-cou si besoin, laisser de la paille bien sèche sur son dos sous la couverture pour créer une couche isolante. 
  • Conseils pour tenir chaud à un cheval au box : laisser un peu de fumier sous son lit de paille pour créer de la chaleur, bien ventiler l'écurie pour laisser l'humidité s'évaporer et que le froid reste bien sec (les chevaux craignent plus l'humidité que le froid !). 



Le dernier mot Jean-Pierre...


En définitif, le cheval se débrouille très bien avec le froid et le mauvais temps tant que celui-ci n'est pas trop violent (pluie ou vent fort, températures exceptionnellement basses). L'intervention humaine lui est enfaite bien plus nocive : nos chevaux vivant au box ne savent plus s'adapter aux températures, en tondant on détruit une partie de leurs défenses, en couvrant on dérègle leur production de poils... Nous espérons les protéger mais dans la majorité des cas, nous avons plutôt tendance à les sensibiliser, non pas dans le sens où ils tombent malades, mais dans le sens où nous les dénaturalisons. 

Cependant, la pratique de l'équitation est déjà une forme de dénaturalisation plus ou moins poussée. Nous savons que nous avons tendance à créer des défaillance à cause des contraintes qu'elle nous impose (carrière sportive des chevaux qui implique une forte sudation difficile à gérer sur un poil d'hiver, par exemple). Il nous revient de pallier cela autrement et fort heureusement, cela se fait plutôt bien. Mais cette question fera l'objet d'un prochain article...

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4 Cavaliers ont dit

  1. quel sujet sensible !! ton article est très complet sans virer du côté "natuuuuuure" ou du côté "surprotecteur", ce n'est pas forcément évident ! :)

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    1. Merci :p Effectivement, c'est pas facile d'éviter ces deux écueils ! Comme souvent le naturel est mieux mais ça fait bien longtemps que nos chevaux ne vivent plus complètement de cette façon et comme nous sommes égoïstes et aimons l'équitation, on s'adapte :) Je crois toujours au juste milieu !

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