Comment choisir et évaluer le pré de son cheval ?

Vouloir mettre son cheval au pré, c'est bien. Le mettre dans un BON pré, c'est mieux. Et finalement, ce n'est pas si simple à trouver. Car un pré, ce n'est pas seulement un carré d'herbe sur lequel on lâche son cheval (on l'avait déjà vu ). Si on ne veut pas aller de mauvaises surprises en mauvaises surprises, il faut avoir l’œil et se renseigner pour savoir s'il répond à certains critères essentiels. Pour vous aider, voilà 10 questions à se poser pour savoir si on a affaire à un bon pré.



1) Quelle est la surface du pré et combien de chevaux y seront acceptés ?


On entend souvent dire que dans un pré, il faut compter au moins un hectare par cheval. Et c'est vrai ! Deux chevaux sur un hectare si les terrains sont bien entretenus, trois si la pâture est vraiment excellente, le sol fertile, l'entretien irréprochable. Si on ne respecte pas ce principe, on risque de se retrouver face à un problème de surpâturage. Qu'est-ce que ce "surmachin" ? C'est lorsqu'on a trop de chevaux pour la taille du terrain, et/ou lorsque la même parcelle est utilisée toute l'année non-stop, et/ou lorsque celle-ci se dégrade à cause de la pression des sabots sur le sol. En effet, chaque terrain a sa propre portance, c'est-à-dire une capacité à résister au poids et aux piétinements. Lorsque la pression est trop grande pour le sol, cela veut dire que trop de chevaux sont dans le même pré, ce qui a deux conséquences: 1) un manque d'herbe car les chevaux la broutent plus vite qu'elle ne pousse, ce qui épuise les réserves en minéraux et en eau des sols et provoque, cumulé à la trop grande pression des sabots, 2) un tassement des sols qui deviennent moins performants; les plantes ne s'enracinent plus et donc ne poussent plus, des zones de terre nue apparaissent et les mauvaises herbes prolifèrent (boutons d'or, chardons...). Celles-ci sont bien souvent toxiques pour les chevaux et si généralement nos équidés les évitent, le surpâturage les poussent à les consommer ! Eh oui, puisqu'il n'y a plus d'herbe, l'instinct de survie pousse les chevaux à manger ce qu'il reste. 

Il est donc très important de ne pas faire cohabiter trop de chevaux dans un pré, ou bien une rotation des parcelles doit être prévue. Ainsi, on peut changer les chevaux de terrain avant que les sols ne s'épuisent, l'herbe a le temps de repousser sans que les jeunes pousses ne soient écrasées par les sabots et on évite les sols trop marécageux en hiver (plus le sol est piétiné, plus la boue se forme). Si dans la pension pré aucune rotation n'est prévue, il faudra vérifier que le nombre de chevaux accueillis est limité, que les équidés sont complémentés dès qu'il n'y a plus d'herbe et que les mauvaises herbes sont éradiquées avant que les chevaux ne soient tentés de se rabattre sur elles.



2) Les refus sont-ils fauchés ?


Les refus sont des zones dans le pré que les chevaux ne broutent pas. Le choix de ces zones est vraisemblablement lié à l'odorat et il est très difficile de modifier cela, d'autant que les équidés choisissent souvent d'y faire leurs besoins puisqu'ils n'y mangent pas. Ces zones de refus doivent être fauchées car les plantes qui s'y trouvent finissent par mourir sur pied et par créer de la matière organique qui met du temps à se décomposer et ralentit la pousse de l'herbe. Au final, ces zones se transforment en plantes inappétentes qui deviennent envahissantes (en d'autres termes : encore de la mauvaise herbe toxique !) et souvent pleines de vers à cause des nombreux crottins. Il est donc nécessaire de les faucher régulièrement pour ne pas risquer une intoxication ou une infestation.

Les refus dans un pré, ces zones que les chevaux ne broutent pas.
Les refus, zones du pré non broutées - Crédit: ecuriederimoron.free.fr (modif' LCB)



3) Les crottins sont-ils ramassés ?


Dans un grand pré où les chevaux ne sont pas en surnombre ou s'il y a une rotation des parcelles, il n'est pas nécessaire de ramasser les crottins. On peut se contenter de herser le terrain pour les disperser et favoriser leur décomposition : les crottins agissent alors comme un fertilisant naturel. Mais en cas de surpâturage ou dans un petit pré, il est plus prudent de les ramasser pour éviter les vers.



4) Le pré est-il ensemencé régulièrement ?


Pour avoir un pré toujours vert années après années et nourrissant, il n'y a pas de mystère : il faut replanter régulièrement de l'herbe et diverses plantes fourragères. Le cheval broute la végétation plus de 12 heures/jour : cette tonte intensive de l'herbe plus le piétinement et les refus finissent par changer la composition des sols qui, comme nous l'avons dit, produisent alors des plantes moins nourrissantes et moins diversifiées. Il est donc vital que le pré soit ensemencé et laissé au repos régulièrement si on ne veut pas que son cheval passe l'hiver et l'été sur de la moquette.



5) Comment le cheval est-il alimenté et abreuvé ?


L'abreuvoir est-il assez grand pour tous les chevaux ? Est-il automatique ? Si la réponse est non, cela veut dire que la surveillance du pré doit être irréprochable. Un cheval boit entre 10 et 40 litres d'eau (voire plus) par jour. Cumulé à l'évaporation de l'eau l'été, les abreuvoirs les plus grands ont vite fait d'être vidés. En hiver, il faut surveiller au contraire que l'eau ne se transforme pas en glace. Si par chance un cours d'eau traverse le pré que vous avez choisi, tous ces problèmes sont alors réglés : l'eau en mouvement ne gèle pas, il n'y a pas de risque de voir l'eau se tarir et les chevaux peuvent se rafraîchir ou entretenir leurs sabots en le traversant (et exit la corvée de nettoyage de l'imposant abreuvoir).

Concernant la nourriture, du foin à volonté sera toujours obligatoire en hiver, ce qui implique là encore que le pré soit surveillé. Un râtelier n'est pas nécessaire, au contraire : du foin dispersé en tas incitera les chevaux à marcher, permettra à tout le monde de manger sans bagarre et évitera aux chevaux de stagner dans la mare de boue qui se forme bien souvent autours des râteliers en hiver, lorsque tous les chevaux piétinent au même endroit. Cette distribution de foin sera d'autant plus nécessaire si les chevaux sont en surpâturage : plus il y a de chevaux sur un même hectare, plus le temps de pâturage est long car une sorte de compétition s'installe, moins il y a d'herbe. A l'inverse en été et au printemps, il faudra prendre garde à ce que l'herbe ne devienne pas trop haute : elle est particulièrement riche à cette époque de l'année et pourrait provoquer des fourbures. Il semblerait que la hauteur idéale est entre 10 et 20 cm : plus courte, elle est vite broutée, plus longue, elle étoufferait les autres plantes et serait dégradée par les intempéries.

Enfin, si la végétation du pré n'est pas assez diversifiée (ce qui est quasiment toujours le cas), il faudra également apporter des compléments alimentaires en minéraux, vitamines et oligo-éléments (sous forme de pierres à lécher, de bonbons, dans le mash...) : le maître mot est là encore surveillance et gestion des troupeaux !



6) Quelles sont les plantes présentes sur le terrain ?


Question épineuse mais certainement la plus importante de cette liste ! Pour y répondre, le plus simple et de faire le tour du pré et d'arracher un "exemplaire" de toutes les plantes que vous trouvez. Arrivés chez vous, vous n'avez plus qu'à vous connecter et à comparer vos prises aux plantes toxiques pour les chevaux (bon point : de nombreux sites les répertorient, mauvais point : la liste est longue). Ce travail un peu fastidieux est néanmoins primordial : les intoxications par les plantes sont très courantes et provoquent des symptômes si divers qu'on n'y pense pas tout de suite et qu'il est parfois trop tard pour agir. Par exemple, voici les trois pire ennemis du cheval (oui, car par exemple le bouton d'or, malgré son apparence innocente, est toxique pour les chevaux... mais seulement à haute dose) et leurs conséquences mortelles diamétralement opposées : 
La porcelle enracinée Crédit: fleursauvageyonne.github.io et cours-equitation.com

  • Le sénéçon de jacobée (fleurs jaunes eaux pétales allongées, feuilles fines qui sembles déchiquetées) qui provoque des troubles hépatiques graves (visibles au jaunissement des muqueuses, à la perte de poids et d'énergie).
Le sénéçon de Jacobée - Crédit: fleursauvageyonne.github.io 

  • L'érable sycomore dont les feuilles et les samares sont à l'origine de la myopathie atypique (dégénérescence de groupes musculaires comme ceux ceux intervenant dans la respiration ou le cœur) qui provoque tant de décès chaque année.
L'érable sycomore - Crédit: snv.jussieu.fr

Si aucune des pousses que vous avez ramassées ne semble correspondre aux plantes toxiques, alors soufflez un coup et réjouissez-vous, vous avez peut-être entre les mains diverses variétés de végétaux dont nos équidés raffolent et qui leur assureront un repas complet ! Quelques exemples :

  • Le ray-grass, plante fourragère dont la papilles de nos chevaux raffolent.
Le ray-grass - Crédit : pickseed.com


  • Le dactyle, d'apparence plus touffue, qui fait partie de la famille des graminées.
Le dactyle - Crédit : Wikipédia

  • Le trèfle, que tout le monde connait et qui, en plus de porter chance, couvre une partie des besoins en légumineuses des chevaux.
Le trèfle blanc - Crédit: miniherbarium.canalblog.com


  • Le pissenlit, dont les jeunes pousses et les feuilles sont très appétentes. A ne pas confondre avec la porcelle !
Le pissenlit - Crédit : Wikipédia


Et mieux encore, lorsque vous avez identifié les plantes présentes, vous pouvez choisir la prairie de votre cheval suivant ses besoins et la saison ! D'autant plus utile à savoir si votre cheval vit au pré sans être complémenté. Elle est pas belle la vie ?



7) Y a-t-il des abris dans le pré ?


L'été, les chevaux ont besoin d'ombre (qui empêche aussi l'herbe de brûler trop vite) et l'hiver, d'un refuge où s'abriter du vent et du mauvais temps. C'est donc un véritable plus si le pré où vous souhaitez mettre votre cheval comporte un abri. Celui-ci doit être assez spacieux pour accueillir tous les chevaux du pré ou presque, être assez solide pour résister les jours de grands vents (une tuile qui vole peut faire beaucoup de dégâts), tourné vers le sud-est (là où il y a le moins de vent et face au soleil le matin uniquement, pour créer de l'ombre en journée) et l'idéal est si son sol est en terre battue nue. En effet, on pense souvent ajouter au confort des chevaux si on met de la paille. Malheureusement, cela incite les chevaux à faire leurs besoins dans l'abri et surtout, ce tas de paille se transforme vite en fumier profond l'hiver s'il n'est pas changé régulièrement. A défaut d'un abri, le pré devra obligatoirement comporter des arbres et arbustes pour créer des zones ombragées. Attention aux chevaux qui prennent la mauvaise habitude de ronger les écorches !



8) Quel est le type de clôtures ?


Le barbelé est évidement à proscrire, les barrières en dur type ciment n'incitent pas forcément au respect et peuvent se révéler dangereuses en cas de tentative de fuite ratée (comprenez : un saut par-dessus la clôture manqué), du grillage dont le croisement des fils ne serait pas assez espacé pourrait piéger un pied et les barrières en bois se révèlent d'excellents appuis pour tiquer. Le mieux à mon sens reste la clôture électrique même si, comme toujours, des accidents peuvent également se produire.



9) L'environnement du pré est-il satisfaisant ?


Si votre pâture est au bord d'une route passante ou au milieu de la ville, ce n'est pas sûre que Pompom trouve le repos et le calme recherchés dans la mise au pré. Plus le pré est proche d'habitations, plus il y a de risques d'y voir des ordures déposées ou des intrus entrer caresser le bôôô cheval qui broute gentiment. Un pré trop isolé pourrait aussi représenter une tentation pour les voleurs.

En ce qui concerne la vie dans le pré même, est-ce que votre cheval aura de la compagnie ? L'environnement du pré est-il divertissant (partie boisée, troncs d'arbres dans le pré, un manège à proximité où regarder les potes travailler...) ? C'est limite une aberration de mettre un cheval au pré seul et dans ce cas, la richesse de l'environnement est encore plus importante !



10) Est-il possible de rentrer le cheval au box en cas de besoin ?


On n'y pense pas forcément lorsqu'on met son cheval au pré intégral, puis on regrette le jour où il a de gros problèmes de santé qui exigent un confinement au box... Avoir l'assurance qu'en cas de gros pépin, un box sera disponible ou au moins un endroit clos et au sec, c'est pouvoir dormir sur ses deux oreilles (ou au moins une et demi) le jour où son cheval se blesse ou tombe malade. Car une gale de boue sévère à soigner en restant dans la gadoue H24, je vous dis pas la gale...ère (testé et non approuvé).



Le dernier mot Jean-Pierre...


En définitif, méfiez-vous des fleurs jaunes et bénissez les plantes ressemblant à de l'herbe ! Plus sérieusement, je n'ai pas fait de question consacrée à la surveillance du pré car c'est juste indispensable. Et selon la région (sécheresse ou fortes pluies) ou l'état de votre cheval, d'autres points peuvent être importants à vérifier. Mais il ne faut pas se leurrer : si vous tombez sur LE pré qui réunit tous ces éléments, jouez au loto ! Il est impossible de trouver le pré parfait et on arrive à survivre sans, certains points étant moins indispensables que d'autres, mais plus vous pourrez répondre correctement aux questions posées ici, plus vous aurez de chance de vous offrir, à vous et votre cheval, la vie au pré la plus agréable.














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